Sur les chemins de la transition

En 2013, Via Brachy organisait son premier Voyage en Hétérotopie.

Cette première édition a rassemblé 16 citoyen-ne-s de Midi-Pyrénées (dont 12 jeunes de 18-30 ans) et 10 Grecs dans le cadre d’un échange de jeunes européen.

D’avril à juillet, nous avons préparé le Voyage avec l'ensemble des participants. Puis ce fut le temps du Voyage en tant que tel, dont voici un bref aperçu...

Once upon a time à Toulouse...

Le voyage en tant que tel a débuté le 6 août à Ramonville-Saint-Agne, à la Maison de l'Economie Solidaire en périphérie de Toulouse.

Tout commence par un goûter avec des fromages du cru pour accueillir nos homologues Grecs. Quelques jeux s'ensuivent pour briser la glace avant d'entamer une première soirée grand public destinée à présenter le projet et à annoncer notre départ.

Nous remettons le couvert le mercredi 07 août avec l'Institut de Formation Slow Food. L'après-midi commence par des ateliers autour de l'alimentation responsable (bonne, propre et juste). Les voyageurs en Hétérotopie échangent leurs points de vue autour de l'alimentation et réfléchissent à des indicateurs de mesure.

L'après midi se poursuit avec des ateliers pratiques. On coupe les oignons, on écrase les pois chiches, on pèle les haricots, on cueille des prunes qu'on dénoyaute aussitôt pour les transformer en confiture.

Tandis que la cuisson se poursuit dans les cuisines, l'Institut de formation Slow Food rassemble le public dans la salle de réunion afin de présenter sa démarche et de débattre des enjeux de notre alimentation.

Un repas partagé et des performances artistiques (poésie, chant et musique) viennent clore cette seconde journée du Voyage.

Le 08 août, nous franchissons le Canal pour nous rendre à l'Ouvert du Canal. Nous participons à des chantiers d'éco-construction et nous prêtons main forte à l'équipe cuisine de l'habitat groupé.

La salle commune de l'Ouvert du Canal prend rapidement forme sous l'oeil avisé du charpentier qui dirige les travaux.

Pendant ce temps, le reste de l'équipe réfléchit à l'organisation que pourrait adopter au quotidien notre groupe de voyageurs. On finit de construire nos toilettes sèches et on fait l'inventaire de ce qui nous sera nécessaire pour poursuivre le voyage. Car on quitte l'agglomération Toulousaine le lendemain...

Cap sur l'Ariège !

Le 9 août, nous partons pour les Pyrénées Ariégeoises. D'autres aventures nous attendent à Labastide de Sérou.

Nous établissons notre campement dans un champ au bord de la rivière à la sortie du village.

Notre passage en Ariège est rythmé par les chantiers collectifs auxquels nous convient nos partenaires.

Français et Grecs sont mis à contribution dans les fermes en polyculture élevage qui les accueillent. Ils construisent des clôtures, cueillent des plantes sauvages comestibles pour en agrémenter leurs repas, participent à la préparation et à la cuisson au feu de bois de pains et de pizzas, assistent au dépeçage et à la transformation de chevreaux dont les peaux sont retravaillées pour en confectionner de nouveaux outils, consolident des terrasses en terre battue, traient des chèvres, s'initient à la traction animale pour les travaux des champs, arpentent les marchés, goûtent des fromages, désherbent les potagers, barbotent dans la rivière pour déplacer les galets et les alluvions qui en détournent le lit...

Cette riche étape Ariégeoise est également l'occasion de découvrir d'autres modes de financements de projets solidaires, d'aborder la question de l'autonomie des personnes et de leur auto-détermination. On débat autour des échanges non marchands et de la coopération, on allume des feux de bois et on étend les nattes pour s'initier à la capoeira et chanter à coeur ouvert sous les pluies d'étoiles du mois d'août.

Une Île dans le Lauragais ?

Le 13 août, nous levons le camp. On nous attend à L'Ile Asso, un lieu d'expérimentation protéiforme à Vieillevigne à 30 km de Toulouse au bord du Canal du Midi.

On prend le temps de se poser, de réfléchir à ce qui a été fait et vécu jusque là. Après l'émulation de Ramonville et de l'Ariège, on se centre sur le groupe et sur notre manière d'être ensemble.

Où en sommes-nous ? Quelles sont nos attentes respectives ? nos interrogations ? nos éventuelles incompréhensions ? nos contentements et nos tensions ? Comment concilier nos aspirations et nos rythmes individuels et les nécessités de la vie en groupe ? Comment envisageons-nous notre quotidien et que souhaitons nous pour nos prochaines étapes ?

Les tours de paroles, les débats mouvants, les jeux et les repas partagés nous permettent peu à peu de dégager des éléments de réponse à ces questions complexes.

On reprend des forces. Certains partent à la conquête de l'Aude, d'autres s'amusent à se vêtir de vêtements improbables piochés dans un sac de fripes, certains siestent tandis que les plus téméraires s'essaient à la corde raide.

Nous repartons sereins de l'Ile : on n'aura pas répondu à toutes les questions, mais la pause aura été salutaire. On aura même eu le temps de faire une lessive ;)

Les hétérotopies mettent le feu au Festiv'Août

Le 15, nous partons pour Lautrec dans le Sud-Est du Tarn.

Nous arrivons le jour de la Fête du Pain et des Saveurs. Le centre-village bouillonne tandis que nous arrimons le bus au Square Mercadial à l'entrée du bourg.

Nous nous déployons sur la place. On sort les cuiseurs à économie de bois et la table de cuisson solaire des soutes, on élabore des tableaux d'expression, on installe un petit salon avec du thé en extérieur, on toilette le bus pour le rendre mieux accessible. Dans le même temps, une équipe se constitue pour repeindre le Vagabond Sage et lui offrir de nouveaux motifs.

Du 16 au 18 août, nous apportons notre concours à l'organisation du Festiv'Août, un festival populaire qui rassemble les habitants du pays de Cocagne autour des musiques du monde et de groupes locaux.

Dans la journée, nous proposons des animations autour du Vagabond Sage et nous prêtons main forte aux bénévoles de Si&Si pour élaborer les repas, décharger les frigos et préparer la place.

A 19h, nous prenons du service au bar et à l'espace restauration. Grecs et Français se relayent pour servir le public pendant les concerts. Une langue chantante et peu courante s'élève de l'autre côté du comptoir.

Le 18 août, nous nous lançons dans la préparation d'une Disco-Soupe à partir des produits maraîchers que avons récupéré sur les marchés de Lautrec, de Castres et de Graulhet du vendredi au dimanche.

A 18h, des habitants du village et des passants nous rejoignent au Square Mercadial pour éplucher en musique les denrées que nous avons rassemblées. Nous recevons également le renfort du Convivium Slow Food du Midi-Toulousain. Melons, pêches, raisons et nectarines, carottes, tomates et aulx passent de main en main. Rien ne nous échappe et les saladiers ploient sous le poids de ces fruits et de ces légumes qui étaient vouées à rejoindre les décharges faute d'acquéreur sur les marchés.

Cette soupe écologique et populaire destinée à sensibiliser les personnes au gaspillage alimentaire est finalement partagée à la nuit tombée dans le cirque de plein air dans lequel ont lieu les concerts.

Notre séjour à Lautrec est également l'occasion pour nous de découvrir les constructions insolites et le Musée des Arts buissonniers des Nouveaux Troubadours de Saint Sever du Moustié (en Aveyron) et de nous essayer aux arts bruts, de débusquer les Incroyables Comestibles dans les espaces verts de Lautrec, de nous entretenir avec le paysan-brasseur qui produit la Karland, une bière bio paysanne du Tarn, de nous ressourcer au Café Plùm, un café culturel hors du commun installé au coeur du village médiéval; de débattre avec les Faucheurs Volontaires d'OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) de leurs actions, d'assister à des spectacles d'arts vivants dans les rues du village et, bien sûr, de nous initier à la préparation de la célèbre soupe d'ail de Lautrec avec les fermiers chez lesquels nous avons élu domicile pour quelques jours.

Rencontre des Possibles à Ginals

Le 20 août, nous quittons Lautrec pour Ginals dans le Tarn-et-Garonne, à deux pas de Cordes sur Ciel, de Najac et de Saint Antonin Noble Val. Nous nous apprêtons à vivre 4 jours de rencontres avec les associations 2 bouts friture et Vallée et Co pour débattre de la Transition avec le public.

Tout commence avec le Cinéma Voyageur, un cinéma libre et ambulant qui a accepté de modifier son parcours pour que nos chemins se croisent cet été.

La Transition est à l'affiche pour cette première soirée. Nous réinstallons les cuiseurs à économie de bois et la table de cuisson solaire auprès du bus et nous présentons notre démarche aux personnes qui arrivent peu à peu pour assister aux projections.

Les sentiers de l'Utopie de John Jordan et d'Isabelle Frémeaux constitue le cœur de la soirée.

D'autres courts et longs métrages viennent nourrir ce premier soir sous le chapiteau du Cinéma Voyageur.

La programmation est variée. Jeunes et moins jeunes découvrent tour à tour des films acides et doux, des univers atypiques, des projets rêvés et des plans crus. La bobine ouvre une fenêtre sur l'étrangeté, les non-sens et les potentialités de la réalité qui nous entoure.

Le 21 août, nous profitons de la présence des Grecs dans notre groupe et de la venue de Yannis Youlountas pour parler de ce qui se passe actuellement en Grèce.

La soirée débute avec la présentation d'initiatives concrètes dans lesquelles les participants Grecs au Voyage en Hétérotopie sont impliqués. Protection des semences paysannes, développement de l'agriculture péri-urbaine, constructions bioclimatiques, création de coopératives de consommation, ateliers de cuisine mobile, mise en place de cafés culturels pour recréer des solidarités dans les centres urbains, défense des biens communs, occupation de sols, création de réseaux d'échange de savoirs... Les projets présentés font échos à ceux que nous voyons émerger en France et en Midi-Pyrénées.

Un fumet d'aubergines, de feta et de tomates s'échappe des fours de Vallée et Co. On s'agite près des fourneaux pour achever de préparer les tzatzikis, les gratins et les autres mezzés Grecs qui viennent peu à peu garnir les assiettes distribuées au public.

Le groupe de rébétiko (musique traditionnelle Grecque) Ta Limania Xena entre en piste pendant le repas. Les plus téméraires s'essaient à la danse sous la direction des Grecs. On s'emmêle un peu les pinceaux mais l'intention est là et c'est le principal. Nos oreilles et nos membres se fient au rythme de la guitare, de l'accordéon et du violoncelle.

A la nuit tombée, nous passons aux choses sérieuses avec la projection du film de Yannis Youlountas : "Ne vivons plus comme des esclaves".

Les images, les témoignages et la musique nous entrainent dans une autre réalité. Ce long métrage centré sur ce qui se passe actuellement à Athènes nous remet les pendules à l'heure. Nous prenons la mesure des enjeux.

Le débat s'achève tard dans la nuit autour du feu. Les témoignages se croisent, les questions fusent, les points de vue s'assemblent. Nous sommes plus que jamais convaincus de la nécessité de nous unir pour agir.

Le 22, nous nous concentrons sur les questions d'autonomie alimentaire.

Au matin, nous nous rendons au jardin de Fauvel que gère l'association Vallée et Co. Nous y récupérons des légumes pour le repas locavore du soir.

L'après midi s'ouvre avec une conférence de Jérome Goust (auteur de plusieurs ouvrages sur les semences et les plantes alimentaires) sur l'extraction et la préparation des semences.

Un atelier pratique s'ensuit. On s'affaire autour des graines apportées par les uns et par les autres pour les extraire de leurs cosses et de leurs enveloppes.

Une petite bourse d'échange est organisée dans la continuité de l'atelier. Les discussions vont bon train et les sachets de graines passent de main en main. Les jardiniers de la journée auront du grain à moudre et des plants à surveiller !

L'heure tourne, mais on est loin d'avoir épuisé le sujet. L'après midi se poursuit autour de Jérôme Goust avec une causerie sur l'"Histoire des rapports entre les hommes et les plantes qui les nourrissent." L'occasion de comprendre un peu mieux ce qui nous lie au monde végétal.

Pendant ce temps, l'équipe cuisine s'affaire autour des trépieds gaz pour finir de préparer le repas locavore. Au menu : cakes à la consoude, velouté de citrouille, purée de courgettes et fromages de chèvres.

Le 4ème et dernière journée des rencontres est dédiée à l'éco-habitat, aux énergies alternatives et aux "Fab-labs" écologiques.

Deux ateliers sont proposés pendant la journée. Les uns construisent une toilette sèche dans la maison commune quand d'autres s'initient à la bicarburation à l'huile végétale sur les véhicules des volontaires.

Les moteurs délivrent peu à peu leurs secrets sous l'oeil avisé des Grecs et des Français venus assister à l'atelier.

En fin d'après midi, nous évoquons "la révolution des Green Fablab" avec Lilian Chardon de l'association l'Ile. D'étranges mots apparaissent au fil des discussions qu'on interroge aussitôt pour mieux comprendre ce que sont ces nouveaux espaces d'expérimentation et de création.

Les rencontres s'achève avec un ultime concert de musique folk. Et un feu de bois, pour ne pas perdre les bonnes habitudes...

Back to Toulouse

Le 25, nous rentrons à Toulouse. A peine arrivés, nous nous rendons au Festi'Forum Europie pour y présenter notre parcours et témoigner avec les personnes présentes de ce que nous avons vu et vécu pendant ce voyage.

L'heure du départ approche.

Le 26 au soir, nous organisons une ultime soirée publique pour célébrer ce Voyage atypique qu'on aurait bien continué un peu plus longtemps.

Le groupe de rébétiko Ta Limania Xena est à nos côtés et nous nous essayons une dernière fois aux rondes Grecques.

Le voyage s'achève le 27 août avec le départ des Grecs. Mais nous restons en contact. Ce n'est que le début de l'aventure...

De retour à Esplas de Sérou

Nous nous sommes retrouvés les 5 et 6 octobre à Esplas de Sérou pour faire le point sur ce que nous avions vécu ensemble. Que de chemin parcouru depuis le mois de mai ! Nous avons évoqué ce qui nous avait surpris pendant le séjour, ce dont nous étions satisfaits, ce qu'il ne vaudrait mieux pas refaire. Nous écrivions des lettres à des amis imaginaires et concevions des supports farfelus pour partager notre expériences avec d'autres pendant l'hiver. Nous goûtions, surtout, le plaisir d'être une fois de plus tous réunis. Car au-delà des activités pratiques auxquelles nous avions participé pendant l'été, le Voyage nous avaient avant tout permis de nous rencontrer et avait abouti à la naissance d'amitiés profondes.

An Oasis in the Crisis : l'aventure continue !

Nous parlons du weekend bilan mais nous nous étions retrouvés bien avant ! Sitôt le voyage achevé, une partie des Voyageurs Grecs et Français ont entrepris de déposer une Initiative de jeunes transnationale auprès de l'Agence du Programme Européen Jeunesse en Action.

L’objectif ? Continuer ce que nous avions débuté ensemble. Aller sur le terrain rencontrer des porteurs de projets solidaires, leur donner un coup de main et recueillir des informations précises sur la manière dont leurs projets ont vu le jour et sur la manière dont ils coopèrent. Comprendre la spécificité de ces projets solidaires que nous voyons émerger tout autour de nous et qui créent de l'activité sur nos territoires, du lien social et de l'emploi tout en préservant les ressources naturelles. Identifier des outils et des façons d'agir qui facilitent l'émergence de projets collectifs et qui contribuent à leur pérennité. Et enfin partager le résultat de nos recherches afin que d'autres puissent s'en nourrir.

Intitulé "An Oasis in the Crisis", ce projet a réellement débuté en janvier 2014 en France et en Grèce. Un blog verra très certainement le jour dans les mois à venir dont nous communiquerons l'adresse ici.

Des Hétérotopies sur le petit écran

Cerise sur le gâteau : un film d'auteur documentaire a été réalisé par les Zooms Verts, un collectif de réalisateurs engagés de la région Toulousaine, dont deux des membres nous avaient suivis tout au long du voyage.

"Dernière étoile à droite, tout droit jusqu'au matin" est le titre plein de poésie de ce film atypique qui tente de saisir ce sentiment abstrait du moment où nous sommes prêts, ou pas, à franchir « le point de non retour », celui qu'il faut dépasser lorsque l'on souhaite changer radicalement son quotidien. Le film donne la parole aux participants au Voyage et invite le spectateur à se demander ce qui « fait société ».

Pour connaitre les prochaines dates de projection, rendez-vous sur la page Actualités de ce blog ou contactez les Zooms Verts.